Québec 2015 : un léger rebond de la fréquentation qui profite au cinéma américain

Posté par vincy, le 21 février 2016

En 2015, le cinéma au Québec s'est plutôt bien porté. Les recettes sont en hausse de 7% (161M de dollars canadiens), après une sévère chute en 2014, mais ne rattrapent pas le niveau du début de décennie. En nombre d'entrées, la fréquentation repasse au dessus des 20 millions de spectateurs (20 091 182 pour être exact), soit une progression de 7% également, mais là encore loin du niveau de 2011 (22,25 millions d'entrées).

Si ce rebond est salutaire, il n'empêche pas de constater que l'assistance dans les salles n'a pas retrouvé son niveau de la période 1997-2012, quand chaque année, plus de 22 millions de québécois allaient au cinéma. Cependant, c'est la deuxième fois que la fréquentation remonte depuis 2002, année record après laquelle a été amorcé un déclin continuel du nombre d'entrées.

Avec un ticket moyen d'entrée stable au niveau du tarif (8 CAN$), et un nombre de salles, d'écrans et de fauteuils quasiment identique depuis 2012 (103 complexes, 742 écrans, 140 000 fauteuils) et un nombre de projections qui continue de progresser, l'exploitation consolide plutôt ses positions.

4 entrées sur 5 pour un film américain

Côté box office, en revanche, la part de marché du cinéma québécois est très en dessous des 10%, seuil symbolique dépassé en 2011 pour la dernière fois. 1,562 million de spectateurs a été voir un film local. C'est une belle hausse de 23% par rapport à 2014, mais cela reste désespérément bas. Aucun film québécois ne se situe dans le Top 10 des films les plus populaires de l'année.

Ce Top 10 est 100% américain (avec 8 suites, et une moitié proposée également en 3D). Les Minions domine le classement avec 846 210 entrées. Mais Star Wars Episode VII est en fait le véritable vainqueur. Sorti en fin d'année, avec deux fois moins de projections que Les Minions, Star Wars a séduit 837 725 spectateurs et rapporté davantage de recettes grâce aux séances 3D. Derrière ces deux champions on retrouve Jurassic World (Monde jurassique), Fast & Furious 7 (Dangereux 7) et 007 Spectre. Les films américains, au total, ont capté 80,6% des entrées (et 81,6% des recettes).

Seulement 5 films québécois ont attiré 100 000 spectateurs

Derrière, on retrouve le cinéma québécois, le cinéma britannique (851 820 entrées, 4,3%), le cinéma français (849 157 entrées, 4,2%, contre 1,17 million l'an dernier) et loin derrière le cinéma canadien (67 059 entrées, 0,3%).

Le cinéma québécois a quand même connu une belle année avec 5 hits ayant dépassé les 100 000 spectateurs (les quatre premiers ont même obtenu plus d'un million de $ canadiens de recettes): La Guerre des tuques 3D, Le mirage, La passion d'Augustine (10 fois nommé aux prix du cinéma québécois), Paul à Québec et Ego Trip. En 2014, avec 363 000 entrées, Mommy de Xavier Dolan avait réussi à se classer dans le Top 10 et séduit plus de spectateurs que le champion de cette année, un film d'animation, La guerre des tuques 3D (347 000 entrées). En 2013, Louis Cyr, 5e film le plus toutes nationalités confondues avait séduit 473 000 spectateurs.

Le cinéma québécois connait ainsi un problème récurrent. Seuls quelques films s'accaparent les faveurs de son public. Les trois leaders de 2015 ont ainsi récolté 57% des recettes du cinéma québécois.

Berlin 2016 : un palmarès qui mêle choix politiques et confirmations artistiques

Posté par MpM, le 20 février 2016

Fuocoammare

A l'issue de la compétition de cette 66e Berlinale, les options de palmarès ne manquaient pas pour le jury de Meryl Streep qui a dû départager 18 films éclectiques, parfois audacieux, souvent puissants, et presque tous dotés des qualités requises pour séduire, émouvoir ou intriguer.

Travail d'orfèvre

C'est finalement à un travail d'orfèvre que se sont livrés les jurés en récompensant la plupart des films qui avaient marqué les esprits durant cette dizaine de jours, et en panachant cinéma esthétique, films politiques et œuvres plus intimes. L'ours d'or est ainsi logiquement allé au documentaire italien Fuocoammare de Gianfranco Rosi qui, en dressant un parallèle entre le quotidien des habitants de l'île de Lampedusa et l'arrivée par milliers de migrants ayant traversé l'enfer, avait placé la question brûlante des réfugiés au cœur de la compétition berlinoise. Présenté dès le deuxième jour de la compétition, le film avait immédiatement fait office de favori.

Tout aussi logiquement, le grand prix revient (pour la 2e fois) à Danis Tanovic pour son étonnant Mort à Sarajevo, pamphlet politique articulé autour de trois intrigues parallèles : le tournage d'une émission historique sur l'héritage laissé par Gavrilo Prinzip, l'assassin de l'archiduc Franz Ferdinand en 1914, connu pour avoir précipité le monde dans la première guerre mondiale ; les coulisses d'un grand hôtel qui part à vau l'eau pour cause de crise économique, et la répétition par un comédien de la pièce Hôtel Europe de Bernard-Henri Lévy sur la guerre d'ex-Yougoslavie et l'échec de l'Europe face aux horreurs commises à l'époque, et à l'occasion de chaque conflit depuis.

Constat politique et social

Il propose ainsi un film une nouvelle fois très ancré dans la réalité sociale, économique et politique du pays, et qui pourtant n'hésite pas à se moquer de lui-même. Il pose également un certain nombre de questions brûlantes sur l'échec de la diplomatie européenne face aux conflits majeurs des 50 dernières années, cette "Europe qui meurt dans tous les Sarajevo d'aujourd'hui" évoquant évidemment l'inextricable situation syrienne.

La séquence d'explication entre la journaliste bosniaque et l'héritier (serbe) de Prinzip, qui interprètent chacun à leur manière l'héritage du passé et se rejettent mutuellement la faute des génocides commis pendant la guerre, est à la fois fascinante et d'une extrême violence symbolique. On entrevoit dans ce long échange le nœud gordien de la Bosnie-Herzégovine actuelle, toujours déchirée par les traumatismes enfouis du passé auxquels se mêlent les difficultés économiques et sociales. Son constat, doublée de choix formels singuliers, en faisait le candidat idéal pour ce grand prix du jury qui récompensé souvent une œuvre atypique ou plus difficile d'accès.

Hedi, double révélation

Si le prix d'interprétation féminine est revenu assez classiquement à Trine Dyrholm, la femme trompée et bafouée de The commune de Thomas Vinterberg, l'un des personnages féminins les plus forts de la sélection, le prix d'interprétation masculine est lui un choix plus audacieux, et une vraie belle surprise. On avait été terriblement touché, et séduit, par la performance de Majd Mastoura dans Hedi de Mohammed Ben Attia, où il est ce jeune homme étouffé par une mère aimante mais maladroite qui tente de reprendre possession de son existence.

Mais au-delà de la performance tout en retenue de l'acteur, qui arrive à changer de physionomie d'une scène à l'autre, faisant ressentir physiquement au spectateur son mal de vivre et sa soif de liberté. Le film en lui-même méritait  une place au palmarès, tant il est finement écrit, déjouant tous les pièges du drame familial et se détournant de la trop facile Love story salvatrice. Du début à la fin, Hedi surprend, rassure, et conforte par sa simplicité narrative et son absence d'effets spectaculaires et dramatiques. Cette histoire si douce d'un homme qui s'émancipe et se trouve lui-même a d'ailleurs récolté en parallèle le prix (ô combien mérité) du meilleur premier film du festival, toutes sections confondues.

On est plus dubitatif sur le prix du meilleur réalisateur qui couronne étrangement Mia Hansen-Love et son Avenir, certes sympathique, et même drôle, mais qui vaut sûrement plus par son scénario que par sa mise en scène. On ne peut s'empêcher de trouver que quitte à distinguer un réalisateur français, le jury s'est trompé, et laisse injustement André Téchiné repartir bredouille.

Regrets pour CrossCurrent

Au finale, ce sont les propositions esthétiques qui tirent peut-être le moins bien leur épingle du jeu. Banalement, le prix Alfred Bauer récompense en la Berceuse au mystère douloureux de Lav Diaz un film "qui offre de nouvelles perspectives", ce qui est une manière peu compromettante de valider l'aspect singulier de cette vaste fresque historique de plus de 8h. Quant au sublime Contre courants (Crosscurrent) de Yang Chao, il repart avec un certes incontestable prix de la meilleure contribution artistique, mais il était sans doute le film le plus sensible et envoûtant de la compétition, et le candidat idéal au prix de mise en scène, si ce n'est mieux. C'est décidément ce cinéma formel qui semble avoir le moins convaincu (intéressé ?) le jury qui le cantonne à des prix "techniques".

Dernier grand oublié, le captivant documentaire Zero days d'Alex Gibney sur l'utilisation par les Etats-Unis d'un virus informatique pour mettra au pas le nucléaire iranien. Deux documentaires au palmarès, peut-être était-ce finalement trop ?

Berlin 2016: Fuocoammare, Mort à Sarajevo, Mia Hansen-Love, Hedi, Lav Diaz récompensés

Posté par vincy, le 20 février 2016

La 66e Berlinale s'achève. Les jurys ont rendu leur verdict. Dans la compétition, Meryl Streep (présidente) était entourée de Lars Eidinger (acteur), Nick James (critique), Brigitte Lacombe (chef op), Clive Owen (acteur), Alba Rohrwacher (actrice) et Margorzata Szumowska (réalisatrice). Pour le jury du premier film était composé de Enrico Lo Verso (acteur), Ursula Meier (réalisatrice) et Michel Franco (réalisateur).

Avec un Ours d'or, Gianfranco Rosi réalise un doublé après son Lion d'or à Venise en 2013 pour Sacro GRA. Danis Tanovic réussit aussi un autre doublé, un deuxième Grand prix du jury berlinois, trois ans après celui de La femme du ferrailleur.

Si le cinéma européen est en force dans ce palmarès, notons les beaux prix pour le philippin Lav Diaz et le chinois Yang Chao, deux oeuvres dont l'esthétisme a été salué. Enfin, le cinéma français n'est pas en reste avec le prix de la meilleure réalisatrice pour Mia Hansen-Love, manière de signaler que les femmes existent aussi derrière la caméra, et surtout pour Hedi, le film tunisien de Mohamed Ben Attia, récompensé par deux jurys: celui pour le meilleur premier film et celui de la compétition pour son acteur.

Ours d'or (meilleur film): Fuocoammare (La mer en feu) de Gianfranco Rosi (Italie)
Ours d'argent - Grand prix du jury: Smrt u Sarajevu (Mort à Sarajevo) de Danis Tanovic
Prix Alfred Bauer pour un film qui offre de nouvelles perspectives: Hele Sa Hiwagang Hapis (Une berceuse au mystère douloureux) de Lav Diaz (Philippin)
Ours d'argent du meilleur réalisateur: Mia Hansen-Love pour L'amour (France)
Ours d'argent de la meilleure actrice: Trine Dyrholm dans La commune de Thomas Vinterberg (Danemark)
Ours d'argent du meilleur acteur: Majd Mastoura dans Hedi (Tunisie)
Ours d'argent du meilleur scénario:: Tomasz Wasilewski pour son film Zjednoczone Stany Milosci (United States of Love / Les Etats-Unis de l'amour) (Pologne)
Ours d'argent pour la meilleure contribution artistique: Le chef opérateur Mark Lee Ping-Bing pour Chang Jiang Tu (Courant contraire) de Yang Chao (Chine)

Prix du meilleur premier film (toutes sélections confondues): Inhebbek Hedi (Hedi) de Mohamed Ben Attia (Tunisie) en section Compétition - photo

Ours d'or du meilleur court métrage: Balada de um batraquio de Leonor Teles (Portugal)
Ours d'argent du court métrage - Prix du jury: A man returned de Mahdi Fleifel (Royaume Uni)
Prix Audi du meilleur court métrage: Jin Zhi Xia Mao (Anchorage Prohibited) de Chiang Wei Liang (Taiwan)

Ours d'or d'honneur: Michael Ballhaus
Berlinale Kamera: Ben Barenholtz, Tim Robbins, Marlies Kirchner

Tous les autres prix remis au Festival du film de Berlin 2016

Berlin 2016: Fuocoammare et Mort à Sarajevo parmi les premiers films récompensés

Posté par vincy, le 20 février 2016

fuocoammare

Avant la remise du palmarès de la compétition, le Festival de Berlin a décerné une multitude de prix dans toutes ses sections. Fuocoammare de Gianfranco Rosi apparaît comme l'un des favoris pour l'Ours d'or avec un prix du public, un prix du jury écuménique et le prix Amnisty international. La critique a préféré le film de Danis Tanovic, Mort à Sarajevo.

Notons que le film de Bouli Lanners, Les premiers, les derniers a récolté deux prix distincts (prix du jury écuménique, Label Europa cinémas).

Enfin les Teddy Awards qui célébraient leur trentième anniversaire ont choisi le deuxième film de l'autrichien Händl Klaus, Tomcat (section Panorama), parabole de l'expulsion d'Adam et Eve du paradis.

Prix du jury des lecteurs du Berliner Morgenpost:
Fuocoammare de Gianfranco Rosi

Prix du public section Panorama:
- fiction: Junction 48 d'Udi Aloni
- documentaire: Who's Gonna Love Me Now? de Barak Heymann et Tomer Heymann

Prix du jury des lecteurs du Tagesspiegel (section Forum):
Nikdy nejsme sami (We Are Never Alone) de Petr Vaclav

Prix du jury FIPRESCI:
- Compétition. Mort à Sarajevo (Death in Sarajevo) de Danis Tanovic
- Panorama. Aloys de Tobias Nölle
- Forum. The Revolution Won't Be Televised de Rama Thiaw

Prix du jury écuménique:
- Compétition. Fuocoammare de Gianfranco Rosi
- Panorama. Les premiers, les derniers de Bouli Lanners
- Forum. Barakah yoqabil Barakah (Barakah Meets Barakah) de Mahmoud Sabbagh et Les Sauteurs de Abou Bakar Sidibé, Estephan Wagner et Moritz Siebert

Teddy Awards:
- Meilleur long métrage de fiction: Kater (Tomcat) de Händl Klaus
- Meilleur documentaire: Kiki de Sara Jordenö
- Meilleur court métrage: Moms On Fire de Joanna Rytel
- Prix spécial du jury: Nunca vas a estar solo (You'll Never Be Alone) de Alex Anwandter
- Special Teddy Award 2016: la productrice Christine Vachon

Prix de la Guilde des cinémas art et essai allemands:
24 Wochen (24 Weeks) de Anne Zohra Berrached

Prix des cinémas art et essai européens CICAE:
- Panorama: Grüße aus Fukushima (Fukushima, mon Amour) de Doris Dörrie
- Forum: Ilegitim (Illegitimate) d'Adrian Sitaru

Label Europa Cinemas:
Les premiers, les derniers de Bouli Lanners

Prix Caligari (section Forum):
Akher ayam el madina (In the Last Days of the City) de Tamer El Said

Prix de la paix (Peace Film Prize):
Makhdoumin (A Maid for Each) de Maher Abi Samra

Prix du meilleur film Amnesty international:
Fuocoammare de Gianfranco Rosi et Royahaye Dame Sobh de Mehrdad Oskouei

Prix Heiner Carow (documentaire allemand):
Grüße aus Fukushima (Fukushima, mon Amour) de Doris Dörrie

Prix Arte:
Le réalisateur Alvaro Brechner pour Memories from the Cell

Prix Eurimage pour le développement en coproduction:
Cinéma Defacto (France) et Proton Cinema (Hongrie) for Blind Willow, Sleeping Woman de Pierre Földes
Mentions spéciales: Tornasol Films (Espagne) pour Memories from the Cell d'Alvaro Brechner et Amrion (Estonie) pour The Little Comrade de Moonika Siimets

Berlin 2016 : nos pronostics et favoris pour le palmarès

Posté par MpM, le 19 février 2016

Fuocoammare

L'heure est déjà aux pronostics et bilans en vue du palmarès du 66e festival de Berlin qui sera révélé samedi 20 février, après dix jours d'une compétition éclectique et de bonne facture qui a permis de mettre à l'honneur le cinéma dans tous ses états. Premier constat, c'est que là où Cannes entérine le talent en invitant chaque année les plus grands réalisateurs du monde, Berlin essaye de le révéler, de donner une chance aux nouveaux venus ou cinéastes moins réputés, et se concentre pour cela en priorité sur ce que proposent les films sélectionnés plus que sur ceux qui les font, stars et paillettes incluses.

Pour le jury, il ne s'agit donc plus de distinguer le plus "méritant" parmi ses pairs, mais bien de choisir une direction, un type de cinéma, une esthétique, voire un message à défendre, en prenant en compte au-delà des qualités purement  cinématographiques, une notion d'urgence et de nécessité, d'expérimentation ou d'audace. Dans cette optique, bien des choix s'offrent à la présidente Meryl Streep et aux jurés.

Fuocoammare, ours d'or trop évident ?

crosscurrentDans la droite ligne de la tradition berlinoise, l'Ours d'or pourrait aller à l'un des films les plus politiques de la sélection. Un choix logique serait Fuocoammare de Gianfranco Rosi qui aborde avec beaucoup de subtilité le sort terrible des migrants en recherche d'une terre d’accueil. Mais peut-être est-ce trop évident, dans une Berlinale qui a mis continuellement l'accent sur l'aide aux réfugiés. Un Grand prix pourrait alors faire l'affaire, à condition de choisir un ours d'or qui fasse contrepoint.

De notre point de vue, CrossCurrent de Yang Chao serait le choix idéal, mêlant des qualités cinématographiques sidérantes à un propos complexe sur la Chine contemporaine. Ce serait alors le 2e Ours d'or pour un film chinois en l'espace de trois éditions (Black coal, thin ice de Diao Yi'nan en 2014) et le 3e en 10 ans (Le mariage de Tuya de Wang Quan'an en 2007).

Mais ce sont loin d'être les seules options du jury pour les deux plus grands prix. S'il souhaite être radical, il s'orientera vers A Lullaby to the Sorrowful Mystery de Lav Diaz et ses 8 heures de projection-marathon dans un noir et blanc classieux. S'il souhaite être politique, il choisira Mort à Sarajevo de Danis Tanovic et sa vision corrosive de l'ex-Yougoslavie et de l'Europe, ou même Zero days, l'impressionnant documentaire d'Alex Gibney sur le virus Stuxnet et le recours par les Etats-Unis à la guerre virale pour lutter contre le nucléaire iranien... A condition que Meryl Streep n'ait rien contre le fait de se fâcher avec l'administration Obama.

Hedi, prix du scénario du coeur

Le point fort de la compétition cette année hediétait clairement le scénario, et les candidats au prix ne manquent pas. On a une préférence pour Hedi de Mohammed Ben Attia qui raconte l'émancipation d'un jeune homme jusque là étouffé par une famille trop aimante. Avec une subtilité déconcertante, le film évite tous les écueils du drame familial qui tourne au cauchemar pour aller systématiquement vers la lumière et l'espoir.

A côté des sujets plutôt lourds abordés par les autres concurrents, ce premier film tunisien intimiste a quelque chose de l'outsider improbable, et pourtant il est incontestablement la découverte du festival. A défaut du scénario, Meryl Streep pourrait choisir de distinguer l'acteur masculin, le caméléon Majd Mastoura qui arrive à changer de physionomie d'une scène à l'autre, recroquevillé et maladroit quand il est sous le joug de sa mère, ouvert et séduisant quand il est enfin libre.

Quand on a 17 ans d'André Téchiné serait également un choix intéressant de prix du scénario, tant le film vaut par sa finesse d'écriture, là encore toujours plus subtile que son sujet ne le laissait présager. Même chose pour The commune de Thomas Vinterberg qui a par ailleurs l'avantage d'être l'un des films les plus drôles, quoique grinçant, de la compétition, avec l'Avenir de Mia Hansen-Love, lui aussi joliment écrit. Toutefois, les jurés pourraient leur préférer 24 Wochen d'Anne Zohra Berrached, pas vraiment un grand film, mais qui tient un propos intelligent et mesuré sur la difficile question de l'avortement thérapeutique.

CrossCurrent et A Lullaby to the Sorrowful Mystery favoris pour le Prix de mise en scène ?

lullabyLe choix sera sans doute plus facile pour le prix de mise en scène qui devrait en toute logique récompenser l'une des propositions esthétiques de la compétition, à condition que les plus fortes d'entre elles (CrossCurrent de Yang Chao et A Lullaby to the Sorrowful Mystery de Lav Diaz) n'aient pas déjà reçu une récompense plus importante.

Les teintes désaturées du film polonais United states of love de Tomasz Wasilewski ou la construction expérimentale de A dragon arrives de Mani Haghighi peuvent alors être des seconds choix intéressants.

En revanche, il faut espérer que le jury ne tombera pas dans le piège du noir et blanc maniéré d'Ivo M. Ferreira pour Lettres de guerre. A la limite, on préférerait voir distinguée la rigueur stylistique de Jeff Nichols dans Midnight special, même si le film se perd en route.

Isabelle Huppert, Julia Jentsch et Trine Dyrholm en tête

On a vu plusieurs grands rôles féminins juliacette année, et il est possible que la présence de Meryl Streep au jury fasse pencher la balance en faveur d'une des deux cinquantenaires délaissées : celle de l'Avenir de Mia Hansen-Love, incarnée avec humour par une Isabelle Huppert très juste, ou celle de The commune de Thomas Vinterberg, Trine Dyrholm, qui propose une composition plus dramatique.

Julia Jentsch (24 Wochen) serait elle-aussi une candidate sérieuse en femme contrainte à une décision impossible, mais elle a déjà obtenu le prix en 2005 pour son rôle dans Sophie Scholl, les derniers jours. Un doublé à l'horizon ?

Bien sûr, la surprise pourrait aussi venir du casting féminin d'United states of love avec un prix collectif pour les quatre actrices Julia Kijowska, Magdalena Cielecka, Dorota Kolak et Marta Nieradkiewicz.

Pas de favori pour le prix d'interprétation masculine

soy neroCôté acteurs masculins, personne ne se détache vraiment, ce qui laisse la possibilité au jury de mettre en avant un film sur lequel il n'arrive pas à se mettre d'accord. On pense notamment à Johnny Ortiz, le jeune homme déraciné de Soy Nero, à Majd Mastoura pour Hedi, à Amir Jadidi pour A dragon arrives, à Qin Hao pour Crosscurrent, au casting masculin dans sa globalité du film de Lav Diaz, ou même au duo Kacey Mottet Klein et Corentin Fila pour Quand on a 17 ans.

S'ils sont vraiment désespérés, les jurés pourraient toutefois aller jusqu'à se tourner vers des performances pensées pour impressionner comme celles de Brendan Gleeson en résistant au nazisme dans Alone in Berlin de Vincent Perez, de Denis Lavant dans Boris sans Béatrice de Denis Côté ou de Colin Firth et Jude Law, respectivement éditeur de génie et écrivain grandiloquent dans Genius de Michael Grandage.

Mais avant même de connaître les lauréats 2016, on peut d'ores et déjà se réjouir des belles propositions de cinéma découvertes pendant cette 66e édition de la Berlinale, qui viennent rappeler que le cinéma ne se résume pas aux suites, prequels, franchises, comédies décérébrées et autres blockbusters qui se bousculent au box-office à longueurs d'année. Un cinéma engagé (politiquement comme artistiquement), ancré dans son époque, qui propose des pistes de réflexion et d'interrogation au spectateur, et refuse les voies formatées du prêt-à-penser. Contrairement à ce que laissait entendre un titre de la compétition, le cinéphile, lui, n'est jamais seul à Berlin.

Les Gardiens de la Galaxie vol. 2 en tournage

Posté par cynthia, le 19 février 2016

Les Studios Marvel viennent de lancer leur nouvelle super production: Les Gardiens de la Galaxie Vol.2. Le 15 février dernier, le tournage du second opus de ces héros de l'espace a débuté à Londres.

Sans surprise le réalisateur James Gunn revient aux commandes (et, entre deux prises, s'amuse avec les fans sur twitter en postant des messages au second degré), Chris Pratt reprend son rôle du funny Star-Lord, Zoe Saldana celui de Gamora, David Bautista celui de Drax, le destructeur, Vin Diesel matérialise le joli Groot (aura-t-il grandit?) tandis que Bradley Cooper redonne sa voix au "charmant" Rocket. Pour cette suite, l'équipe déjantée ne sera pas seule puisqu'elle est rejoint par des nouveaux venus: Pom Klementieff (Oldboy) dans le rôle de Mantis, Elizabeth Debicki (Gatsby, le magnifique, Code UNCLE), Chris Sullivan (la série The Knick) et enfin Kurt Russell (qu'on ne présente plus...).

Avec en toile de fond sonore la bande-son de la maman de notre héros, Les Gardiens de la Galaxie Vol.2 poursuivra les aventures de cette drôle de bande de mercenaires et cherchera à percer le mystère des origines de Star-lord alias Peter Quill.

Produit pas Kevin Feige, président des Studios Marvel, Louis D'Esposito, Stan Lee (himself), Victorai Alonso et Jonathan Schwartz, le film est attendu sur les écrans américains le 26 avril 2017.

Rappelons que le premier opus avait récolté plus de 770 millions de recettes au box-office mondial et s'était vu récompensé par un disque de platine pour la bande originale.

les gardiens de la galaxie vol 2

Berlin 2016 : des films initiatiques, une société en mutation, et la guerre en toile de fond

Posté par MpM, le 18 février 2016

lullaby de Lav Diaz

Cette année encore, le Festival de Berlin a privilégié un cinéma éclectique, majoritairement européen, conçu comme un panorama des sujets, genres et styles constituant l'instantané de la production cinématographique contemporaine. On aura ainsi vu en compétition des comédies, des films historiques, un film de science fiction... Et même un biopic.

Beaucoup de longs métrages sélectionnés privilégient le scénario et la narration, et ils le font avec un certain talent. On aurait envie de récompenser la finesse d'écriture de la moitié des films en compétition, de Quand on a 17 ans d'André Téchiné à Hedi de Mohammed Ben Attia en passant par 24 Wochen d'Anne Zohra Berrached ou The commune de Thomas Vinterberg.

En revanche, c'est plus décevant sur l'aspect purement esthétique. A l'exception des films de réalisateurs comme Yang Chao (Crosscurrent) ou Lav Diaz (A Lullaby to the sorrowful mystery, photo ci-dessus), on a vu peu de véritables propositions formelles, au profit de mises en scène très classiques, voire académiques.

Une compétition qui interroge son époque

avenirSur le fond, Berlin méritait cette année encore sa réputation de festival politique qui interroge son époque. Le fil directeur de la sélection semble ainsi avoir été le changement, qu'il s'agisse des mutations profondes de la société ou de choix de vie plus intimes.

De nombreux films semblaient ainsi poser la question du chemin à prendre, sous la forme de personnages arrivés à un tournant de leur vie (Le bien nommé L'avenir de Mia Hansen-Love), de l'Europe qui vacille (Death in Sarajevo de Danis Tanovic), de migrants qui cherchent une nouvelle patrie (Fuocoammare de Gianfranco Rosi). Même la guerre est apparue en pleine mutation, sur le point d'écrire un nouveau chapitre de notre ère (Zero days d'Alex Gibney).

Cela explique sans doute la profusion de films initiatiques présentés, à l'image du très sensible Hedi dans lequel un jeune homme apprend peu à peu à se libérer des contraintes familiales et sociales auxquelles il est soumis, ou du très inégal Boris sans Béatrice de Denis Côté où un homme d'affaires antipathique doit se débarrasser de ses défauts pour sauver sa femme de la folie. Les adolescents de Quand on a 17 ans doivent eux faire l'apprentissage d'eux-mêmes et apprendre à se départir de leur agressivité pour accepter qui ils sont, tandis que celui de Soy Nero (Rafi Pitts) est sans cesse rejeté de place en place. Il y a également dans un autre registre la femme enceinte de 24 Wochen qui est face à une décision impliquant toute sa vie : garder, ou non, son bébé atteint de trisomie et de lourds problèmes cardiaques. Dans tous les cas, il s'agit de prendre ses responsabilités, de trouver son chemin et d'affirmer son identité.

Portraits de femmes

On a aussi vu quelques beaux portraits de femmes, notamment des cinquantenaires brutalement rattrapés par l'existence dans L'avenir et The commune : abandonnées pour une autre femme, dépossédées de leur activité professionnelle, donnant l'impression d'être chassées de leur propre vie et se retrouvant encombrées par une liberté soudaine et sans objet.

Il ne fait pas bon vieillir pour les personnages féminins cette année... à l'exception peut-être du très joli personnage de mère incarnée avec légèreté et humour par la lumineuse Sandrine Kimberlain dans Quand on a 17 ans.

On ne sait pas si cela suffit pour trouver cette édition "féministe" tant les femmes aperçues dans la plupart des autres films sont des fantômes, des silhouettes, des rôles sociaux. La mère chez Jeff Nichols (Midnight special), la femme compréhensive et la maîtresse encombrante dans Genius de Michael Grandage, l'épouse fantasmée de Lettres de guerre d'Ivo M. Ferreira... Sans oublier la femme de pouvoir de Boris sans Béatrice qui sombre dans la dépression lourde parce son mari est un imbécile prétentieux et guérit lorsqu'il s'amende. Plus simpliste, on ne voit pas.

La guerre et ses déclinaisons

cartes de guerreEnfin, les conflits armés et les affres de la guerre auront été peut-être plus discrets que lors d’autres éditions, mais on les retrouve malgré tout souvent en toile de fond.

La résistance au nazisme dans l'incontournable film sur la 2e guerre mondiale (Alone in Berlin de Vincent Perez, adaptation d'un roman lui-même inspiré d'une histoire vraie), l'Afghanistan dans Soy Nero, l'Angola dans Lettres de guerre, la révolution contre l'occupation espagnole aux Philippines dans A Lullaby to the sorrowful mystery. Et bien sûr la guerre virtuelle, impalpable, avec Alex Gibney (Zero days).

Curieusement, deux thèmes eux-aussi d'actualité, le terrorisme et la crise économique, sont eux quasiment absents des films en course pour l'Ours d'or. Manque de recul pour l'un, lassitude pour l'autre ? Cette 66e édition berlinoise était quoi qu'il en soit plus ancrée sur l'humain et l'intime que sur le collectif. Peut-être justement parce que dans un monde sur le point de basculer, la sphère privée redevient la valeur refuge par excellence, lieu à la fois de réconfort et d'observation clinique des drames qui se jouent à l'échelle internationale.

Le Québec débaptise ses « César » et ses lieux publics portant le nom du cinéaste Claude Jutra

Posté par vincy, le 18 février 2016

Claude Jutra

Les prix Jutra du cinéma québécois vont changer de nom, malgré eux. Nommés ainsi lors de leur création en 1999, en hommage au cinéaste Claude Jutra, en remplacement des prix Guy L'Écuyer, la cérémonie annuelle organisée par Québec Cinéma est contrainte de trouver un nouveau nom soit d'ici la prochaine édition le 20 mars soit d'ici l'année prochaine.

Car aujourd'hui, le nom de Claude Jutra baigne dans la boue la plus nauséabonde. Mardi, les éditions du Boréal ont publié une biographie du cinéaste signée Yves Lever. Dans ce livre, qui retrace le parcours, décrypte l'oeuvre et dessine le portrait du réalisateur, l'auteur révèle que Jutra a eu des relations sexuelles avec des garçons de moins de 16 ans. Ce scandale posthume a ébranlé le Québec et ses milieux politiques et culturels. D'autant que l'une des victimes a témoigné de sa relation illégale avec le cinéaste, durant dix ans, à compter de ses 6 ans.

" J'ai été profondément bouleversé en lisant le témoignage de la présumée victime. Il faut souligner son courage d'avoir témoigné. C'est ce qui nous a poussés à changer le nom du gala" a attesté Patrick Roy, président de Québec Cinéma.

On imagine que les Oscars du Canada, les Prix Ecrans Canadiens, qui seront remis le 13 mars prochain, feront de même avec le prix spécial Claude-Jutra (qui doit être décerné à River de Jamie M. Dagg), qui récompense chaque année depuis 1993 un premier film canadien.

Il suffisait de lire ses archives pour le savoir

Le plus surprenant dans cette répugnante affaire de pédophilie est que le biographe n'a pas eu à chercher très loin. Il a eu accès à toutes les archives personnelles de Claude Jutra, données à l'Université du Québec à Montréal et à la Cinémathèque. Las, le service juridique de l'UQàM a bloqué l'accès public à certains documents jusqu'en 2040, en accord avec la Loi sur les archives, la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. Hors, dans ces documents, Claude Jutra ne cachait rien et consignait tout. C'est ainsi que le scandale a pu être révélé.

Avec un témoignage qui confirme les faits, la réaction n'a pas tardé. Celle des prix Jutra est évidemment la plus frappante, mais elle n'est pas unique. Les rues et lieux publics portant le nom de Claude Jutra sont en voie d'être débaptisés. Le square Claude Jutra à Montréal, avec une sculpture en son nom, disparaîtra de la carte et la statue sera déboulonnée.

La Cinémathèque québécoise à Montréal, dont l'une des salles se nomme Claude-Jutra, a dans un premier temps réagit par la prudence:

"La Cinémathèque québécoise a pris connaissance des révélations contenues dans la biographie de Claude Jutra signée par Yves Lever et qui concernent le comportement privé du cinéaste. Nous sommes évidemment sensibles à ces affirmations, mais nous tenons à rappeler qu’à ce jour aucune accusation n’a été portée et qu’aucune présumée victime ne s’est manifestée.
La notoriété artistique de Claude Jutra est incontestable, comme son destin tragique d’ailleurs. Ni l’un ni l’autre ne sont aujourd’hui remis en question. À travers la salle Claude-Jutra, c’est la portée de son oeuvre que nous reconnaissons, le rôle qu’il a joué dans le développement du cinéma québécois.
"

Mais sur son site, on peut constater qu'elle n'existe plus sous ce nom, et apparaît désormais comme "Salle de projection principale", actant ainsi définitivement que le comportement privé du cinéaste n'est plus une information sensible à mépriser mais bien une accusation d'ordre pénal. Et un nouveau communiqué a officialisé ce choix: "La renommée d'un agresseur faisant porter sur ses victimes un poids dont il est difficile de se dégager, ceux qui contribuent à sa renommée portent collectivement une responsabilité dont ils doivent s'acquitter. Les membres du Conseil d'administration se sont consultés ce matin et ont pris la décision de retirer la dénomination de notre principale salle de projection."

Distinguer l'homme de son oeuvre

En revanche, la ministre Hélène David n'empêchera pas la diffusion ou l'enseignement de l'oeuvre cinématographique de Claude Jutra. Ce serait une erreur fondamentale, en effet. Documentariste, Claude Jutra est devenu l'une des figures emblématiques de la révolution cinématographique au Québec à partir des années 1960-1970, lorsque le cinéma de la Belle Province parcourait les grands festivals internationaux. Primé par les BAFTAS, récompensé de multiples fois, nommé aux César, l'homme, atteint d'alzheimer, se suicidera en 1986 à l'âge de 56 ans.

Parmi ses films les plus connus, Claude Jutra a réalisé Anna la bonne, A tout prendre, Au coeur de la ville, Mon oncle Antoine, Kamouraska et La Dame en couleurs. Il était réalisateur, scénariste, producteur, monteur et directeur de la photographie. Parce qu'il a été un géant dans son art, Claude Jutra était une figure consensuelle dans le secteur. Malheureusement l'icône révèle trente ans après sa mort son autre visage, monstrueux.

Interdit aux moins de 16 ans, le film belge « Black » ne sortira pas en salles le 16 mars

Posté par vincy, le 18 février 2016

Black raconte l'histoire d'une love story urbaine entre deux jeunes membres de gangs ennemis à Bruxelles. Les deux jeunes gens seront brutalement contraints de choisir entre la loyauté à leur gang et l'amour qu'ils ont l'un pour l'autre. Film explosif, le film a été l'une des révélations du dernier festival de Toronto, où il a eu le prix Discovery. Pourtant le film d'Adil El Arbi et Bilall Fallah ne sortira pas en France. Il était prévu le 16 mars dans les salles. Mais le film belge a été frappé d'une interdiction aux moins de 16 ans par la commission de classification. Paname Distribution, qui pointe également des réticences de la part des salles de cinéma à programmer le film, a donc décidé d'annuler la sortie en salles.

Il sera certainement diffusé en e-cinema, comme ce fut le cas pour Made in France récemment.

Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, qu'un film belge subit une censure déguisée. Et récemment, de Made in France à Salafistes, certains sujets semblent trop "touchy" pour avoir accès à une diffusion grand public. Peur de quoi?

D'autant que Black, c'est un Roméo et Juliette de banlieue:  Mavela, 15 ans, est une Black Bronx. Elle tombe éperdument amoureuse de Marwan, membre charismatique de la bande rivale, les 1080. Les deux jeunes gens sont brutalement contraints de choisir entre la loyauté à leur gang et l'amour qu’ils ont l’un pour l’autre. Shakespeare n'aurait pas fait meilleur pitch.

Tournée dans le quartier Matonge, à Bruxelles, le film a aussi été interdit aux moins de 16 ans en Belgique, mais il y a remporté un certain succès: 30e du box office 2015 (avec un nombre d'entrées proche de celui des Nouvelles aventures d'Aladin) et 4e film belge de l'année! L'AFP rapporte cependant que des incidents avaient émaillé sa première journée d'exploitation le 11 novembre. Des jeunes de moins de 16 ans avaient acheté un billet pour un autre film puis avaient pénétré dans une salle du complexe où le film était projeté. Les incidents avaient éclaté dans la salle lorsque la police était venue contrôler les tickets et s'étaient poursuivis à l'extérieur du complexe. Gasp! Rien à voir avec une guerre de gangs...

Edito: la panne américaine

Posté par redaction, le 18 février 2016

Qu'on ne se méprenne pas: le cinéma américain n'est pas mort. Mais on ne peut que constater son sur place depuis quelques années. A force de formatage, il a du mal à se renouveler. S'il n'y avait pas des cinéastes australien, mexicain, sud-coréen ou européen, on observerait un cruel sentiment de déjà vu aussi bien parmi les blockbusters qui répète les recettes de leurs prédécesseurs que parmi le cinéma dit indépendant qui a un aspect de plus en plus convenu. Cette impression de déjà vu permanente est inquiétante. A Berlin, les Coen et Jeff Nichols n'ont pas convaincu, sans doute parce que les deux ressassaient un cinéma "disparu", celui des années 1950 mélangé à du Mel Brooks pour les premiers, celui des années 1970-1980 teinté de Spielberg pour le second. A voir les deux leaders du box office de l'an dernier, Star Wars épisode VII et Jurassic World, on est davantage dans la réhabilitation du film culte (avec une touche de goût du jour), entre nostalgie et volonté de cibler plusieurs générations. Mais ce n'est en rien un gage d'innovation. Sur les 10 films en tête du box office 2015, seulement deux sont des films qui ne sont ni des suites, ni des reboots, ni des remakes, ni des spin-off. Il faut descendre à la 18e place pour trouver un film qui n'est ni d'action, ni une comédie, ni un dessin animé. Le premier film indépendant est 44e!

Certes, les recettes explosent, mais Hollywood paresse. La prise de risque est minimale. Les scénarios sont écrits avec des canevas pré-établis. L'image s'uniformise selon le standard de l'époque, ce qui singularise un The Revenant ou un Mad Max Fury Road. Et à chaque carton, on se dit que les studios vont exploiter le filon. Ainsi l'humour décalé et grivois des Gardiens de la Galaxie et l'humour noir de Deadpool vont sans doute entraîner de nombreux producteurs à mixer l'autodérision à l'action dans les prochaines adaptations de comics, comme la noirceur psychologique du Dark Knight avait poussé les décideurs à tourmenter un peu plus les superhéros qu'ils avaient dans leur catalogue.

Et ce n'est pas les succès moyens de bons films comme Spotlight, Sicario, Black Mass ou Le Pont des espions qui peut changer la donne, bien au contraire. Le divertissement pour adulte semble ne pas résister aux "tentpoles" pour adolescents. Le problème n'est pas une question de recettes ou de palmarès ou même de qualité (après tout Vice-Versa, 356M$, est excellent). Le souci provient surtout d'une lassitude. Difficile de faire le buzz, de faire monter le désir quand tout se ressemble, quand on sait ce que l'on va voir. Il faut déployer des trésors d'imagination marketing et signer de gros chèques pour la publicité afin d'être sûr que la visibilité du film sera optimale à défaut de créer une attente. De Gravity à Deadpool, c'est bien l'originalité du projet qui a conquis différentes strates de cinéphilie. Dès l'origine, c'est le traitement particulier à une banale histoire SF ou une énième adaptation de comics qui a fait la différence. Idem pour le cinéma "dit indépendant" qui ne parvient plus à se démarquer de son image "Sundance/Weinstein", autrement dit "drame social hérité de la nouvelle vague/films en costumes avec stars".

Il y a trente ans, le box office américain avait Platoon, La folle journée de Ferris Bueller, Stand by Me, La couleur de l'argent et Peggy Sue s'est mariée dans son top 20. Il n'y avait que 5 suites et aucun remake dans ce même Top 20. En trente ans, Hollywood a industrialisé son processus de création au point de lui faire perdre un peu de son âme, mais surtout de son génie. Coppola et Lucas l'ont souligné. Mais comme à chaque fois, le cycle va mécaniquement décliner et contraindre les "boss" californiens à se réinventer. Mais on n'en est loin: il est à craindre que, qualitativement, le cinéma américain, toujours le plus puissant du monde, se contente de son savoir-faire. Après tout, il reste le cinéma le plus fédérateur dans le monde. Et il n'a aucun rival à l'horizon. Pas étonnant alors que les Coen ou Jeff Nichols, Eastwood ou Damien Chazelle, Scorsese ou Charlie Kaufman fassent figure de résistants.