Berlin 2016 : Zero days d’Alex Gibney déclare ouverte l’ère des cyberattaques

Posté par MpM, le 17 février 2016

stuxnet

Second documentaire présenté en compétition au 66e festival de Berlin, Zero days d'Alex Gibney (oscarisé pour Un taxi pour l'enfer en 2008) est une enquête bouillonnante sur le célèbre virus Stuxnet suspecté d'avoir été conçu pour saboter les centrifugeuses iraniennes d'enrichissement d'uranium en 2010.

Thriller anxiogène

Ayant recours aux procédés propres au thriller (montage cut, musique anxiogène, effets spectaculaires), le film piste le logiciel malveillant jusqu'à sa source en interviewant plusieurs experts (dont Eugene Kaspersky créateur de l'anti-virus portant son nom) et différents représentants des gouvernements américain et israélien. Il retrace ainsi le chemin parcouru par Stuxnet, les raisons de sa création et son mode de fonctionnement hors du commun.

Il s'agit en effet d'un fichier très léger (un demi méga-octet) capable de s'exécuter sans intervention humaine, d'agir sans se faire repérer, et de tromper les opérateurs en envoyant des messages assurant que toutes les données sont normales. Il aurait agit sur la vitesse des centrifugeuses iraniennes pour les mettre hors d'usage.

Le nouveau visage de la guerre

Foisonnant récit d'espionnage, Zero days semble parfois pencher du côté de la théorie conspirationniste, voire dans une paranoïa délirante. Pourtant, chaque rebondissement est étayé par le témoignage d'experts (NSA, US cyber command...) qui non seulement reconnaissent (anonymement) la responsabilité des Etats-Unis et d'Israël dans la création de Stuxnet, mais avouent l'existence d'un autre plan plus ambitieux, Nitro Zeus, qui prévoyait de bloquer notamment les systèmes de communication et une partie du réseau électrique de l’Iran si un accord sur le nucléaire n'était pas trouvé.

Alex Gibney offre ainsi un documentaire captivant et très documenté qui joue sur l'aspect extrêmement romanesque de son récit pour lui offrir des accents dignes d'une fiction plus vraie que nature. En parallèle, loin de s'arrêter à la révélation du Who Dunnit and why, il tire habilement les conclusions de toute l'affaire Stuxnet, et notamment le fait qu'elle marque le début des armes virtuelles et légitime leur utilisation. Ce qui redéfinit évidemment la physionomie de la guerre telle qu'on la connaissait jusqu'alors.

Ennemi invisible

Une conclusion qui, si elle peut paraître naïve (la question n'étant depuis plus longtemps de savoir si la cyberguerre aurait lieu, mais plutôt quand elle commencerait), est surtout une manière d'entériner ce dont les récits de science fiction avaient déjà eu l'intuition. Dans un monde en train d'effectuer une mue accélérée (tel qu'il nous est plus que jamais apparu en découvrant les films de la compétition), la guerre elle-aussi semble en train de changer de visage, d'armes et de moyens.

Il n'y a pourtant pas de quoi se réjouir : si les cyberattaques semblent plus "propres" que les attaques à l'arme lourde, elles risquent aussi de toucher plus facilement des infrastructures vitales (circuits électriques et nucléaires, traitement des eaux, communications...) et impacter des ensembles plus importants de population, avec des chances de survie amoindries. Or, face à un ennemi invisible, comment se défendre ?

Andrzej Zulawski (1940-2016): l’important fut de filmer

Posté par vincy, le 17 février 2016

Andrezj Zulawski a succombé à son cancer à l’âge de 75 ans. Né le 22 novembre 1940 à Lviv, à l’époque ville soviétique, aujourd’hui cité ukrainienne, le cinéaste a fait ses études en France avant de rejoindre la Pologne où il a fait ses premiers pas de réalisateurs. Ce fils de diplomate, auteur de drames passionnels, poussant ses actrices jusqu’à l’hystérie émotionnelle, est revenu en France pour fuir la censure. Il donne quelques uns des plus beaux rôles à Romy Schneider, Isabelle Adjani et Sophie Marceau, jeune star qui a 26 ans de moins et qui devient son épouse et le père de son fils Vincent. Ils vivent ensemble durant 17 ans et tournent quatre fois ensemble.

Après deux courts métrages dans les années 1960, Zulawski réalise son premier long, La troisième partie de la nuit en 1971, tragédie psychologique qui se déroule durant la seconde guerre mondiale. Il enchaîne avec Le Diable, drame où le chaos d’une guerre pousse un jeune noble à la démence et au crime. En 1975, il arrive en France et signe L’important c’est d’aimer, sans aucun doute son film le plus intense. Il transcende Romy Schneider en lui offrant son rôle le plus marquant. La star semble habitée par ce personnage, mise en abime du double je / double jeu. Elle récolte le César de la meilleure comédienne. Et le cinéphile retient à jamais ses yeux en larmes, suppliant qu'on arrête de la voir...

Six ans plus tard, c’est Isabelle Adjani qui élève son jeu, déjà brillant, dans Possession. Là encore, le réalisateur signe un film où l’amour n’est pas heureux. Drame de la jalousie pas ordinaire – une constante de toute sa filmographie – Possession vaut un prix d’interprétation à Cannes et un César de la meilleure actrice à Adjani. Comme souvent, le cinéaste a puisé dans sa vie pour écrire le scénario. Un divorce douloureux et l’interruption brutale du tournage du film Sur le globe d’argent (qui sortira finalement en 1988 , inaccompli) l’ont poussé vers une dépression. De ce film d’anticipation, il reste une étrange créature tentaculaire, créée par Carlo Rambaldi, le père des extra-terrestres de Spielberg. Traumatisée par le tournage, Adjani, qui ne voulait pas faire ce film aux limites du fantastiques, et qui a été convaincue par son compagnon d’alors le chef opérateur Bruno Nuytten, a toujours regretté ce film si important dans sa carrière.

Avec La Femme publique (Valérie Kaprisky), en 1984, le réalisateur continue de filmer des femmes volages, pas très loin de la prostitution, toujours apte au dédoublement de personnalité. Comme le personnage de Romy dans L’important c’est d’aimer, celui de Kaprisky est une comédienne médiocre. On reproche alors à Zulawski une certaine volonté d’humilier les femmes, une misogynie, et sur les plateaux, un comportement tyrannique.

L’année suivante, il fait tourner son épouse. Sophie Marceau est en pleine ascension, la petite française préférée de l’Hexagone, déjà. Mais après Pialat et Police, elle persévère à vouloir aller vers des cinémas plus périlleux que des comédies populaires. L’amour braque est encore une histoire de pute. Le film est interdit aux moins de 12 ans. Et le public rejette Marceau, qu’il ne veut pas voir en lolita manipulée par un « vieux pervers ». Leur couple tiendra bon malgré le quand-dira-t-on. Marceau et lui tournent ensuite Mes nuits sont plus belles que vos jours, autodestruction programmée de deux êtres à la dérive.

Toujours féru de littérature russe, il adapte Boris Godounov en 1989 puis réalise un biopic sur Frédéric Chopin et George Sand en 1991, La note bleue, avec Marie-France Pisier et Sophie Marceau. Films mineurs, tout comme Chamanka en 1996, qui marquent le déclin artistique d’un cinéaste qui tourne un peu en rond. Il essaie de rebondir avec La fidélité en 2000. Il y retrouve ses principaux thèmes : la photographie, la jalousie, la maladie, l’infidélité, les métiers immoraux. Ultime déclaration d’amour à sa femme, le film scellera aussi le divorce avec Sophie Marceau, qui, pourtant, n’a jamais été aussi désirable que sous l’œil averti de son mari. Le film se fait en symbiose : elle donne l’idée de transposer La Princesse de Clèves, trouve les producteurs et lui écrit, réalise… Ultime enfant né de leur alchimie incomprise.

Comme un baroud d’honneur, après avoir sombré dans l’ennui, se désespérant d’un cinéma européen sans intérêt ou de ces grands festivals meurtriers, il revient quinze ans plus tard avec le surréaliste Cosmos, sorti en décembre dernier. Locarno lui a décerné un prix (presque honorifique) du meilleur réalisateur). Le cinéaste a rarement été récompensé (La femme publique est son film qui a été le plus primé) et a souvent divisé la critique. Ses œuvres controversées, violentes, exigeantes artistiquement ont avant tout sublimé des comédiennes magnifiques. « Je fais des films sur des sujets qui me torturent et les femmes me servent de moyen pour les exprimer » disait-il.

Le plus bel éloge revient quand même à son ex : « Dans les films d'Andrzej par exemple, il y a à la fois un côté techniquement parfait, très moderne visuellement et très bien fabriqué, et en même temps un élan, quelque chose qui n'appartient qu'à lui, comme un coeur qui s'ouvre » expliquait Sophie Marceau en 2000.

Berlin 2016 : le cinéma français dans tous ses états

Posté par MpM, le 16 février 2016

Pour le cinéma français, la Berlinale est une belle vitrine, et même si cela fait 15 ans que l'Ours d'or n'est pas allé à un film français (depuis l'anglophone et londonien Intimité de Patrice Chéreau en 2001), ceux-ci sont toujours présents en nombre dans la compétition ainsi que dans les différentes sections du festival. Les adieux à la reine de Benoit Jacquot avait d'ailleurs fait l'ouverture en 2012.

6 films français en compétition

Pour cette 66e édition, on recense une trentaine de longs métrages français ou coproduits par la France, dont six en compétition et deux en sélection officielle hors compétition. Parmi les prétendants à l'Ours d'or, trois sont des coproductions minoritaires : le désastreux Alone in Berlin de Vincent Perez, adaptation plate du roman de Hans Fallada (Seul dans Berlin) se déroulant en Allemagne nazie pendant la guerre, mais en anglais ; le peu inspiré Soy Nero de Rafi Pitts, qui se passe aux Etats-Unis et en Afghanistan avec des acteurs hispanos rêvant de devenir citoyens américains, et le documentaire italien Fuocoammare de Gianfranco Rosi sur l'île de Lampedusa.

Les films français, ou majoritaires, sont aussi ceux qui présentent le plus de chances d'apparaître au palmarès. Outre Quand on a 17 ans d'André Téchiné dont on a déjà parlé, il s'agit de L'avenir de Mia Hansen-love, un film éminemment français, rempli de citations et de philosophie, qui fait le portrait doux amer d'une femme de 50 ans qui se retrouve soudainement livrée à elle-même et ne sait pas trop quoi faire de cette liberté retrouvée, avec une Isabelle Huppert toujours juste dans la gravité comme dans les séquences plus légères, et de Mort à Sarajevo de Danis Tanovic dont c'est le retour à Berlin après le succès de La femme du ferrailleur en 2013 (Grand prix et prix d'interprétation masculine).

Mort à Sarajevo de Danis Tanovic

Son nouveau film est un pamphlet politique articulé autour de l'anniversaire de l'assassinat par Gavrilo Prinzip de l'archiduc Franz Ferdinand, événement connu pour avoir précipité le monde dans la première guerre mondiale. Reliant l'héritage laissé par Prinzip (criminel ou héros ?) aux horreurs commises pendant la guerre en ex-Yougoslavie, à la pièce Hôtel Europe de Bernard-Henri Lévy (sur l'échec de l'Europe) et aux coulisses d'un hôtel qui part à vau l'eau pour cause de crise économique, il propose un film une nouvelle fois très ancré dans la réalité sociale, économique et politique du pays et qui n'hésite pas à se moquer de lui-même. Il pose également un certain nombre de questions brûlantes sur l'échec de la diplomatie européenne face aux conflits majeurs des 50 dernières années, cette "Europe qui meurt dans tous les Sarajevo d'aujourd'hui" évoquant évidemment l'inextricable situation syrienne.

Autres sections

Hors-compétition, Saint Amour de Gustave Kervern et Benoît Delépine et Des nouvelles de la planète Mars de Dominik Moll sont attendus. En forum et en panorama, ce sont en tout 18 longs métrages qui ont été sélectionnés sous la bannière française, parmi lesquels TheEend de Guillaume Nicloux, Le fils de Joseph d'Eugène Green, Théo et Hugo dans le même bateau de Olivier Ducastel et Jacques Martineau ou encore La Route d'Istanbul de Rachid Bouchareb. Parmi les coproductions, on nota le présence de Baden Baden de Rachel Lang, L'Ange blessé de Emir Baigazin et Les Premiers, les Derniers de Bouli Lanners, déjà sorti en France.

Berlin 2016 : coup de cœur pour Crosscurrent de Yang Chao

Posté par MpM, le 16 février 2016

cross current

Alors que près de la moitié de la Berlinale 2016 s'est déjà écoulée, et qu'il reste seulement sept films en compétition à découvrir, on commence à avoir une idée de la physionomie de la sélection de cette année, éclectique dans les styles et les sujets, et plutôt de bonne facture. Hormis le désastreux Alone in Berlin de Vincent Perez dont on reparlera plus tard (ou pas), les films en course pour l'Ours d'or y ont tous leur place, et apportent une vision passionnante du cinéma actuel : audacieux, engagé, imaginatif, passionné.

Plusieurs films semblaient déjà des prétendants sérieux au palmarès (Hedi de Mohamed Ben Attia, Fuocoammare de Gianfranco Rosi, Quand on a 17 ans d'André Téchiné, Death in Sarajevo de Danis Tanovic...), et il ne manquait jusqu'à présent qu'un réel coup de cœur, de ces films dont on sait en les regardant que l'on assiste à un tournant du festival doublé d'un vrai moment de cinéma, et qu'on se souviendra longtemps des émotions ressenties en le découvrant. Manque comblé, presque dès les premières minutes, par Chang Jiang Tu (Courant contraire ou Crosscurrent) de Yang Chao, œuvre à la beauté fulgurante qui explore toute la palette de la poésie la plus mélancolique.

Errance hallucinée et métaphysique

Gao Chun, un jeune capitaine dont le père vient de mourir, navigue sur le Yangtze. Son voyage lui est dicté par les poèmes d'un auteur inconnu qui évoquent différents lieux du fleuve. A chaque étape, il croise la même femme, qui est l'amour de sa vie.

Dans ce qui ressemble à une errance hallucinée et métaphysique, le réalisateur chinois Yang Chao (Passages) montre des lieux engloutis qui ont chacun leur légende, et évoquent une Chine construite sur les ruines du passé et l'exil forcé de ses habitants. Il filme avec majesté les montagnes radieuses, le barrage imposant, la pagode bouddhique et les restes du village dévasté par les eaux du Yangtze, mais aussi le visage de ses personnages principaux se découpant sur des fonds végétaux entièrement flous, ou comme recadrés à l'intérieur du cadre. Et puis il y a les bateaux qui se croisent en pleine mer, dans le brouillard et les tons bleutés. La mer, les vagues et le paysage alentours. On est sidéré par une recherche formelle qui s'harmonise aussi parfaitement avec la construction poétique du récit qui se joue des explications et de la temporalité pour faire de l'espace et du temps une matière à travailler.

Minimalisme et mélancolie

On se moque totalement de comprendre, ou non, l'intrigue secondaire qui flirte avec le polar, ou la symbolique qui se cache derrière les différentes légendes évoquées au cours du récit. Peu importe également que les protagonistes soient des spectres ou des songes, ou qu'il soit parfois ardu de raccorder les séquences entre elles. On est juste envoûté par l'ambiance minimaliste et mélancolique, renforcée par la beauté déchirante de la musique. Il n'est pas besoin de mots, ou de logique, pour ressentir de l'intérieur la force des émotions véhiculées par le film. Comme si Yang Chao s'adressait directement à nos sens de cinéphile en alerte (composition des plans, symbiose du son et de l'image) sans passer par la médiation du sens, c'est-à-dire du raisonnement.

Exigeant et généreux à la fois, Crosscurrent est à l'image du fleuve qu'il glorifie et de l'âme humaine qu'il observe : plein de méandres, de chemins de traverse, de virtuosité et d'éclat. Une œuvre qui coupe le souffle par sa parfaite harmonie entre fond et forme, par sa singularité viscérale et son audace intransigeante. Peut-être parce qu'il affiche une confiance aveugle dans le cinéma, et dans l'intelligence sensible du spectateur, il porte en lui un espoir fou et démesuré qui n'a d'autre objet que lui-même.

Berlin 2016 : les bons chiffres du marché du film

Posté par MpM, le 15 février 2016

Au-delà de la qualité des films et du glamour des intervenants, le principal indice de la réussite d'un festival est le dynamisme de son marché, plate-forme professionnelle où se concluent les négociations des droits des films et où se préparent les sélections des festivals à venir.

Cette année, l'EFM (European film market) de Berlin a annoncé de très bons chiffres à mi-parcours, avec notamment plus de 8500 professionnels accrédités et une centaine de pays représentés. Parmi eux, environ 1500 sont des "acheteurs" en quête des perles rares susceptibles de séduire leur marché local. En tout, 1090 projections sont organisées sur les 9 jours que dure le marché, et la moitié concernent des films qui n'ont jamais été présentés sur un marché européen auparavant.

Des prix pour les professionnels

Preuve de la volonté de mettre l'EFM sous les projecteurs, les organisateurs de la Berlinale ont par ailleurs décidé d'y remettre désormais chaque année un prix récompensant un producteur de premier plan. En attendant, Ben Barenholtz, important producteur de films  indépendants américains (Barton Fink des frères Coen, Bruiser de Romero, Requiem for a dream de Darren Aronofsky...) a reçu une Berlinale Camera dans l'enceinte du marché, en présence de Joel et Ethan Coen et du directeur de la Berlinale Dieter Kosslick. La Berlinale Camera récompense des personnalités du cinéma ou des institutions auxquelles le Festival se sent particulièrement redevable en exprimant ses remerciements.

De nombreux autres événements sont organisés dans l'enceinte du marché comme les "Drama Series Days”, qui proposent des tables-rondes, des sessions de pitch (y compris pour des livres et bd en recherche de producteurs cherchant des histoires à adapater, le "Books at Berlinale") et des projections, ou des focus sur le documentaire ou les indépendants américains à Berlin. Enfin, le premier séminaire de production sino-européen qui se tient le 16 février proposera notamment un état des lieux du marché chinois.

Le prix VFF Talent Highlight Pitch Award (10 000 €) a ainsi été remis au projet Tank et son producteur Ukrainien Max Serdiuk. Le prix Arte (6 000 €) a été décerné à Memories from the Cell d’Alvaro Brechner, produit par la société espagnole Tornasol Films. Enfin le prix Eurimages (20 000 €), a été remis à Blind Willow, Sleeping Woman, projet franco-hongrois de Pierre Földes.

En plus d'être un festival très ouvert au public, Berlin affiche ainsi sans ambiguïté  son intention de se doter également d'un marché suffisamment fort et diversifié pour le rendre à terme incontournable. Une stratégie logique pour contrer la frilosité de certains acheteurs qui doivent enchaîner en trois mois Sundance, Berlin, le MIPTV Cannes et le marché du film à Cannes, et qui a des chances de s'avérer payante. Car là comme ailleurs, Berlin a bien compris qu'il n'était plus possible de se reposer sur le passé, et qu'il lui fallait perpétuellement innover pour s'adapter à la demande d'un milieu lui-même en pleine mutation.

Crédit photo : Ali Ghandtschi © Berlinale 2016

Deadpool: carton planétaire et suite en préparation

Posté par cynthia, le 15 février 2016

deadpool

150M$ en 4 jours aux Etats-Unis: Deadpool, le héros Marvel le plus déjanté, issu de la franchise X-Men, a explosé le box-office. C'est un record pour un mois de février (détenu depuis un an par Cinquante nuances de Grey), un record pour le premier trimestre (détenu depuis l'an dernier par American Sniper), un record pour un film pour adultes (détenu depuis 13 ans par Matrix reloaded), un record pour la Fox (détenu depuis 2005 par La revanche des Sith). C'est aussi le meilleur démarrage pour un premier film (détenu par le troisième Shrek depuis 2007) ou encore pour un film avec Ryan Reynolds. Avec ses trois jours de recettes, il bat les recettes totales de Hulk, Wolverine (autre spin-off de X-Men) et les 4 fantastiques (épisode 2007). Avec seulement 58M$ de budget hors promo, le film sera certainement l'un des épisodes de la série X-Men les plus rentables, et peut même devenir la plus grosse recette de cette franchise co-brandée Fox-Marvel.

Dans le monde, Deadpool est aux alentours de 280 millions de dollars de recettes pour ses premiers jours d'exploitation. En France, en cinq jours, le film a séduit 1 284 278 spectateurs. soit mieux que Les tuche 2 la semaine dernière et donc, s'octroie la couronne (provisoire) de meilleur démarrage de l'année. Le film a aussi cartonné en Australie, en Belgique, à Hong Kong, à Singapour, en Russie, à Taiwan et au Royaume Uni.

Conséquence logique d'un tel carton, une suite est déjà en préparation.

Rhett Reese et Paul Wernick, les scénaristes planchent déjà sur une suite des aventures du héros en tenue moulante rouge sang. Le studio souhaite conserver la même équipe technique, il ne reste plus qu'à Tim Miller, son réalisateur, de signer.

En attendant, nous pouvons nous délecter du combat humoristique entre Olivia Munn qui incarne Psylocke (X-Men) et Ryan Reynolds alias Deadpool.

Les BAFTAs 2016 couronnent The Revenant, Les nouveaux sauvages et Brooklyn

Posté par cynthia, le 15 février 2016

Dimanche 14 février, la 69ème cérémonie des BAFTAs (l'équivalent des Oscars britanniques) a récompensé les films et personnalités du cinéma pour l'année 2015. Entre surprises et résultats courus d'avance, petit retour sur cette soirée.

Cette année les BAFTAs était sous le signe de l'amouuuuuuur. Saint-Valentin oblige, la cérémonie avait proposé une "Kiss cam" aux invités. Qu'est-ce qu'une Kiss Cam? C'est simple: si la caméra du bisou (traduction quand tu nous tiens) tombe sur vous et votre voisin, vous êtes obligé de lui échanger un baiser. C'est ainsi que nous avons tous fondu devant le bisou entre Leonardo Dicaprio et Dame Maggie Smith.

Les British Academy of Film and Television Arts a la particularité de nommer des films de toutes nationalités (voir la liste des nominations), puisqu’il suffit que les films aient été projetés au Royaume-Uni durant l'année précédente. Sans surprise (ou presque), le grand vainqueur est The Revenant qui emporte cinq récompenses dont celle du meilleur film, du meilleur acteur pour Leonardo Dicaprio (on y croit pour les Oscars) et du meilleur réalisateur. C'était la 4e nomination pour DiCaprio, et, enfin, la bonne. Pour Inarritu, c'est un goût de revanche, puisque le cinéaste n'avait gagné que le prix de la meilleure photo l'an dernier avec Birdman.

Archi-favoris pour l'Oscar dans leur catégorie, Brie Larson remporte le BAFTA de la meilleure actrice pour sa prestation dans Room et Kate Winslet celui du meilleur second rôle féminin pour Steve Jobs (et accessoirement le troisième trophée de sa carrière).

Parmi les autres films récompensés, on retrouve Vice Versa pour le Meilleur film d’animation et Les nouveaux sauvages (Wild Tales) pour le Meilleur film en langue étrangère. C'est la première fois qu'un film argentin gagne cette récompense, alors que les deux pays se disputent toujours l'archipel des Malouines/Falklands.

Côté révélation de l'année, on l'avait dit il y a deux mois, John Boyega est sacré du Prix de l'étoile montante (Rising Star) face à Taron Egerton (Kingsman, Legend) et Brie Larson.

Enfin, les BAFTAs sacrent malgré tout un film national au milieu de cette invasion "d'étrangers" avec le prix du meilleur film britanique. On pensait qu'Ex-Machina allait l'emporter et finalement c'est Brooklyn qui l'a récolté.

Finalement la plus grande surprise provient du grand perdant de la cérémonie: Carol. Le film de Todd Haynes repart bredouille (on marche sur la tête!). Il faut croire que certaines histoires d'amour ne plaisent pas, même un 14 février. D'ailleurs si on regarde bien le palmarès est tout sauf romantique...

Le palmarès de la 69ème cérémonie des BAFTA:

Meilleur film: The Revenant de Alejandro Innaritu
Meilleure actrice: Brie Larson pour Room
Meilleur acteur: Leonardo DiCaprio pour The Revenant
Meilleur réalisateur: Alejandro Innaritu pour The Revenant
Meilleur second rôle masculin: Mark Rylance pour Le pont des espions
Meilleur second rôle féminin: Kate Winslet pour Steve Jobs
Meilleur scénario original: Spotlight
Meilleur scénario adapté: The Big Short

Meilleur film britannique: Brooklyn
Meilleur premier film: Theeb de Naji Abu Nowar
Meilleur film non-anglophone: Wild Tales de Damian Szifron
Meilleur film d'animation: Vice-versa de Pete Docter
Meilleur documentaire: Amy

Meilleure photo: The Revenant
Meilleure musique originale: Les huit salopards
Meilleurs décors: Mad Max Fury Road
Meilleur son: The Revenant
Meilleurs coiffures/maquillage: Mad Max Fury Road
Meilleur montage: Mad Max Fury Road

Trophée de l'étoile montante: John Boyega
Fellowship pour la contribution au cinéma britannique: Sir Sidney Potier

Berlin 2016 : André Téchiné au top avec Quand on a 17 ans

Posté par MpM, le 14 février 2016

Quand on a 17 ans

Cela fait presque dix ans qu'André Téchiné n'avait plus été en compétition à Berlin, depuis Les témoins en 2007. Pour son grand retour, il accompagne Quand on a 17 ans, un long métrage co-écrit avec la réalisatrice Céline Sciamma (Tomboy, Bande de filles), qui raconte les relations complexes entre Thomas (Corentin Fila) et Damien (Kacey Mottet Klein), deux lycéens qui ne cessent de se battre.

Construit comme un triptyque autour des trois trimestres d'une année scolaire, le film prend d'abord le temps de poser son récit, de caractériser les personnages et d'installer des intrigues secondaires qui sont autant de fondations. Il y a bien sûr les deux adolescents que tout semble opposer : l'intellectuel et le costaud, le fils du médecin et l'enfant adopté par des cultivateurs, le gars de la ville et celui du haut de la montagne. Immédiatement, cela fourmille de thèmes et de sous-texte.

Narration limpide et évidente

Il y a également leurs parents (Sandrine Kiberlain en tête, parfaite dans le rôle de cette mère fantasque et joyeuse), que Téchiné inclut largement au récit, prenant le contrepied des habituels films sur une adolescence évoluant dans sa propre sphère, loin du monde des adultes. Il est en cela d'une redoutable modernité, montrant notamment une relation mère-fils harmonieuse et simple qui dynamite les clichés du genre.

Et puis, au fur et à mesure qu'avance le film, le réalisateur continue de nourrir le scénario avec des intrigues parallèles qui tour à tour font écho à l'histoire des deux adolescents, ou lui servent de catalyseur. Cela permet de faire exister les personnages plus secondaires et de garder une grande homogénéité dans la narration qui devient limpide et presque évidente, tout en ménageant surprises, chemins de traverse et rebondissements.

Car si, au départ, on croit voir arriver les grosses ficelles du scénario, on s'aperçoit rapidement que Téchiné neutralise tout ce qui pourrait être outré, se contente de suggérer ce qui est indispensable, et s'amuse avec les attentes du spectateur. Passée une première demi-heure hésitante, le film bascule ainsi dans un mélange d'humour, de douceur et de complicité qui rend la situation de départ éminemment plus subtile qu'elle ne le paraissait au départ.

Corps à corps sensuels

On est alors bouleversé par la manière dont le cinéaste (âgé tout de même de 72 ans) s'approprie les affres de l'adolescence et filme avec grâce leurs corps à corps brutaux, expiatoires et ambigües. Il capte avec une simplicité déconcertante cet aspect purement physique de la relation conflictuelle entre Thomas et Damien qui ont besoin de passer par les coups pour en arriver aux mots. Puis aux gestes d'amour, filmés eux-aussi avec une sensualité spontanée, sans effets ni calculs.

Interrogé par l'AFP sur cette place de l'homosexualité dans son oeuvre (souvent sous un angle très charnel), André Téchiné a la réponse la plus intelligente qui soit : "L'hétérosexualité prend quand même dans les fictions beaucoup de place, donc peut-être qu'on peut aussi laisser un peu de place pour montrer autre chose qui n'a pas l'habitude d'être regardé".

Et d'ailleurs comme souvent, il n'est pas tant question dans Quand on a 17 ans d'homosexualité que de la rencontre amoureuse entre deux adolescents qui s'avèrent être des garçons. Nuance de taille pour un film lumineux qui prend le sujet de l'adolescence à bras le corps mais joue la carte de la retenue, du sens du détail et de la légèreté.

Will Smith est-il fini ?

Posté par wyzman, le 14 février 2016

A deux semaines de la 88ème cérémonie des Oscars, Will Smith est déjà passé à autre chose. Notamment parce qu'il a décidé de la boycotter. La raison nous la connaissons tous : l'absence de diversité parmi les nommés aux prix d'interprétation dénoncée par le hashtag #OscarsSoWhite. Mais si Will Smith se sent particulièrement concerné, c'est ni plus ni moins parce qu'il figurait parmi la short-list des possibles nommés dans la catégorie meilleur acteur pour son rôle dans Concussion (Seul contre tous en VF). Dans le film de Peter Landesman, Will Smith incarne Bennet Omalu, le neurologue qui a alerté le premier la National Football League des traumatismes liés à la pratique du sport.

Pour ce rôle, l'acteur de 47 ans a déjà reçu des nominations aux Golden Globes, aux Hollywood Film Awards et aux NAACP Image Awards. Mais l'absence de reconnaissance par les votants de l'Académie nous amène à nous poser la question suivante : et si Will Smith était officiellement fini ? Il est vrai qu'à Hollywood, rares sont les acteurs fâchés (voire désespérés) au point de boycotter les Oscars. Peu sont ceux à avoir déjà récolté 7 nominations aux Razzie Awards ou à se satisfaire de ne pas beaucoup tourner.

Mais Will Smith, lui, s'en fiche. Au cours des trois dernières années, on l'a vu tenter de lancer maladroitement la carrière de son fils Jadden avec After Earth, faire des apparitions déjà oubliées dans Légendes vivantes et Un amour d'hiver. Et l'an dernier, il a rendu sceptique la critique dans la comédie dramatique Diversion où son expression monofaciale surprenait dans un registre de cambrioleur gentleman. A l'exception de Men in Black 3 en 2012, et passablement décevant, aucun de ses films n'a cartonné au box office mondiale récemment. Ceci dit, le Prince de Bel-Air a un plan, et pas des moindres !

Relance

Pour relancer sa carrière, il envisage de faire le yoyo entre performances Oscar-worthy et blockbusters rentables. A commencer par Seul contre tous qui sort le 9 mars prochain. A défaut de recevoir de statuette dorée, le mari de Jada Pinkett compte prendre un malin plaisir à rappeler à tous ses haters qu'il peut porter un film dramatique sur son simple nom. Le 3 août, c'est aux côtés de Margot Robbie, Jared Leto, Jai Courtney, Cara Delevingne, Joel Kinnaman et Viola Davis qu'il va tout faire péter dans le très attendu et prometteur Suicide Squad.

Par la suite, c'est avec humilité qu'il compte jouer dans The American Can et incarner le marine qui a vraiment risqué sa vie pendant l'ouragan Katrina et permis le sauvetage de 244 personnes. Rien que ça. Le film devrait être réalisé par Edward Zick, déjà auteur du Dernier samouraï et de Blood Diamond. Mais c'est bien évidemment le projet Collaboral Beauty qui agite la toile dernièrement. Notamment parce que Keira Knightley et Kate Winslet sont en pleine négociation pour y jouer. Ce drame raconte comment les collègues d'un publicitaire (Will Smith) s'organisent pour le sortir d'une mauvaise passe. Helen Mirren, Edward Norton, Michael Pena et Naomie Harris ont déjà été engagés. Annoncé pour le 16 décembre prochain, Collaboral Beauty sortirait pile-poil dans la saison des Oscars…

Mais que les fans de blockbusters se rassurent : l'acteur a confirmé cette semaine au micro de BBC Radio 1Xtra qu'un Bad Boys III était prévu. Malgré une date de début de tournage inconnue, le film déboulerait dans nos salles obscures courant 2017. Un Hancock 2 est prévu pour 2018 tandis qu'un passage derrière la caméra n'est toujours pas exclu. Voilà qui devrait contenter les fans de l'ancienne star d'Independence Day et faire rager ses détracteurs pendant un moment !

Berlin 2016 : Fuocoammare de Gianfranco Rosi place le sort des réfugiés au coeur de la compétition

Posté par MpM, le 13 février 2016

fuocoammare

Un festival de cinéma, ce ne sont pas seulement des stars, des paillettes et de belles histoires qui se succèdent sur grand écran. On le sait, les sujets graves, polémiques et douloureux y ont une place de choix, et Berlin s'est même fait une réputation (méritée) de festival politique présentant une part importante de films engagés.

C'était donc le lieu tout indiqué pour présenter Fuocoammare de l'Italien Gianfranco Rosi (lion d'or à Venise en 2013 avec Sacro gra), un documentaire dénué de voix-off qui montre en parallèle la vie tranquille de quelques habitants de Lampedusa et le drame des réfugiés qui se joue dans les eaux alentours.  L'île italienne (20km2 situés au sud de la Sicile, entre la Tunisie et Malte) est en effet la porte d'entrée privilégiée des migrants fuyant leur pays pour rejoindre l'Europe, et de multiples embarcations de fortune s'y échouent de plus en plus fréquemment depuis le début des années 2000.

Le film est ainsi construit comme le portrait des habitants de Lampedusa (notamment Samuele, un jeune garçon qui connaît chaque recoin de l'île, et sa famille) auquel répond en écho un témoignage sans fard sur la tragédie des réfugiés : appels désespérés envoyés depuis des embarcations de fortune, missions de sauvetage périlleuses, prise en charge quasiment militaire, récits édifiants des rescapés... Le coup de grâce étant porté par le médecin Pietro Bartolo, qui vient en aide aux migrants depuis les années 1990, et qui raconte la réalité à laquelle il est confronté :  les femmes qui accouchent sur les bateaux surchargés, les survivants déshydratés ou brûlés par l'essence, et bien sûr les innombrables corps sans vie auxquels il ne parvient pas à s'habituer.

Situation tragique, insupportable et absurde

Si l'on est tout d'abord surpris par la construction du documentaire, et par la part importante consacrée à Samuele et aux autres insulaires, il s'avère très vite indispensable d'avoir ce contrepoint plus léger, plus ancré dans un monde qui est aussi le nôtre, pour faire réaliser au spectateur l'absurdité tragique et insupportable de la situation. Le mettre froidement devant ce fait bien réel, et pourtant presque impossible à concevoir : que des enfants meurent à quelques kilomètres seulement du havre de vie "normale" auxquels ils aspiraient.

"Je crois que ce film est le témoignage d'une tragédie qui se déroule sous nos yeux", a déclaré Gianfranco Rosi lors de la conférence de presse qui a suivi la projection. "Je pense que nous sommes tous responsables de cette tragédie, peut-être la plus grande que nous ayons vue en Europe depuis l'Holocauste. Nous sommes complices si nous ne faisons rien."

Et Fuocoammare actionne sans l'ombre d'un doute la mauvaise conscience de tout un chacun, avec une sécheresse et une dureté salutaires, comme l'électrochoc que l'on attend en vain pour mettre fin à ce qui est un carnage évitable. "C'est le devoir de chaque être humain d'aider ces gens" déclare simplement Pietro Bartolo, dont la lassitude se lit sur le visage. Présent à Berlin, il confesse l'horreur et les "cauchemars" qui le poursuivent. "Parler de ces choses me fait mal à chaque fois" a-t-il notamment expliqué. "Mais j'accepte parce que j'ai l'espoir qu'à travers ces témoignages, on pourra sensibiliser des personnes" à ce qui est "devenu un problème dramatique, de portée universelle".

Une Berlinale ouverte aux réfugiés

Le documentaire de Gianfranco Rosi est à ce titre un document indispensable qui met toute l'intelligence, la force de conviction et la magie du cinéma au service de cette sensibilisation. Mais après la prise de conscience doit venir l'action, et c'est justement le moment où le spectateur doit prendre le relais de l'écran. Le Festival de Berlin l'a bien compris, qui incite festivaliers et professionnels à venir concrètement en aide aux réfugiés via des urnes récoltant les dons sur les lieux du festival. Plusieurs associations prenant en charge les réfugiés sont également mentionnées sur le site de la Berlinale.

Peut-être ne restera-t-il plus ensuite qu'à plébisciter le film afin de lui offrir la plus grande visibilité possible. Mais déjà, on ne voit pas comment le palmarès berlinois pourrait l'oublier.